Avancement des travaux au Manoir des Lauriers
Témoignage de Hugo et Matilde Bony, les actuels propriétaires, sur les travaux en cours au manoir des Lauriers.
Depuis notre arrivée aux Lauriers en mai 2018, il aura fallu l’œil expert de visiteurs éclairés et savants
pour nous faire remarquer que plusieurs choses clochaient sur la façade…
La porte-fenêtre centrale côté cour rompt le rythme régulier de la façade, et était vraisemblablement une fenêtre à l’origine. L’enduit à pierre-vue est un non-sens pour ce type de construction…et qui plus est, au ciment ! Les tâches d’humidité sur la façade témoignent de chéneaux fatigués.
Tout cela fut confirmé par l’architecte en chef de bâtiments de France du Maine-et-Loire, Gabriel Turquet de Beauregard, dont nous louons la grande disponibilité et les bons conseils. Les Lauriers étant inscrit depuis 1974 aux Monuments Historiques, de tels travaux de restauration nécessitent la rédaction d’un dossier complet, qui peut ouvrir à un soutien financier de l’Etat. Mais avec le projet de remplacer la porte-fenêtre par une fenêtre va au-delà d’un simple changement de pierre de tuffeau : c’est une « modification de façade » qui nécessite la réalisation d’une étude préalable et l’obtention d’un permis de construire. Cette étude fut conduite par le cabinet Architrav, sous la direction de Séverine Jeanneau, et rendue en juillet 2020. Très détaillée et riche, elle a permis d’appréhender tous les travaux à faire, et comment, ainsi que de déposer le permis de construire pour modification de façade.
Pour la petite histoire, lors des Journées du Patrimoine en septembre 2019, deux dames sont venues pour visiter, et après la présentation du lieu et de son histoire, viennent me voir un peu déçues de ne pouvoir visiter les intérieurs. Certes, mais c’est une maison habitée par une famille, et pas vraiment
meublée comme le château de Serrant !
Elles me racontent alors qu’elles venaient enfants aux Lauriers, dans les années 60, passer l’été avec leur grand-père qui travaillait au service de la Comtesse de Gramont. Elles sortent alors plusieurs photographies de l’époque, dont l’une montre la fameuse fenêtre sur la cour ! On distingue par ailleurs sur la photo les chasse-roues avec leur petit banc de pierre à la base du portail. Sans doute de moins en moins adaptés à la largeur croissance des voitures, l’ensemble a été déposé au XXème siècle et les éléments séparés pour être réutilisés en bancs dans le parc.
Ces dames auront droit à une visiter complète de la maison, racontant leurs anecdotes de déguisement
avec les vieilles affaires de la comtesse. Elles témoigneront aussi de leur déception de découvrir le
couloir des chambres bien plus petit que dans leur souvenir de petites filles !
C’est par ailleurs cette Comtesse, née Brincard et ayant vécue au château voisin de La Bizolière, qui,
veuve en 1923, s’installe aux Lauriers au début des années 1930 après avoir fait réaliser une grande
campagne de travaux. En ce qui concerne les extérieurs, on lui doit vraisemblablement la réfection
des toitures au clou (sauf la façade Nord des communs non visible de la cour) ; l’extension tout à
fait harmonieuse sur la façade Ouest de la maison (malgré ses linteaux de fenêtre en béton, c’était
l’époque…) pour abriter la chaufferie et des pièces de service ; le ravalement des façades avec nombre
de pierres de tuffeau changées et un enduit béton à pierre-vue peint. C’est aussi à cette époque (1935-
38) que le grand portail d’entrée est (re ?) construit par André Leconte, architecte Grand prix de Rome
en 1924. Il ne nous reste donc plus qu’à réaliser les travaux pour consolider les travaux ou les refaire dans les règles de l’art.
Les travaux débutent donc par la dépose de la porte fenêtre, la reconstruction de l’allège en schiste avec mortier traditionnel à la chaux. Puis le bandeau de pierre de tuffeau est installé, et enfin la fenêtre en chêne de France avec espagnolette d’époque. Par ailleurs, nous prenons le parti de restaurer les tuffeaux à l’intérieur en piquetant les enduits au plâtre jusqu’à la pierre. Les murs intérieurs sont alors enduits à la chaux teintée. Le parti pris est de laisser la fenêtre, les linteaux ainsi que les poutres en chêne brut huilé. Voici la première étape complétée : en juillet 2021 la façade a retrouvé son rythme initial.
La couverture :
Le remplacement du chéneau sur toute la longueur a été réalisé en zinc pour l’encaissement et la partie
couvrant la toiture en plomb, tout comme la couverture des jambages des lucarnes.
La dépose du chéneau a nécessité de retirer les premières lignes d’ardoises du brisis de toiture.
Seules certaines reviendront en place à l’issue de la réfection du chéneau.
Première (mauvaise) surprise, les planches devenues trop raides pour enfoncer les clous de cuivre devront être déposées et remplacées par des nouvelles. Les planches sont donc changées et les rangées
d’ardoises neuves reposées. Il n’est plus possible de se fournir en ardoises de Trélazé, données pour tenir plusieurs siècles, alors nous installons l’alternative validée par l’ABF : des ardoises d’Espagne, certes de 45mm et de première qualité, mais données pour tenir une trentaine d’années.
C’est ensuite au tour du chantier de plomb, roulé en bout de plaque, soudé ou tenu par des pattes en zinc clouées par des clous de cuivre. Une belle technique pour éviter toute infiltration.
La taille de pierre :
Le chantier commence par le piquetage de l’enduit béton, quel changement !
Il se poursuit par l’identification des pierres à changer, et leur commande en blocs qui sont taillés
principalement en atelier. En attendant, un premier dégrossi à la chaux est réalisé.
Enduit :
Autant il n’y a aucune question à se poser lorsqu’il faut changer une ardoise, un morceau de plomb ou
une pierre de tuffeau, autant l’éventail des possibles pour l’enduit rend le choix difficile tant c’est
l’impact visuel sera grand. A partir de sables (principalement de Loire) et de chaux, dans des proportions
variées et des traitements différents (brossé, gratté, épongé, taloché…), les rendus peuvent vraiment
être très différents. Nous voulions éviter d’avoir un enduit trop blanc et lisse qui contraste peu avec le tuffeau et les différents bandeaux qui structurent la façade, puisque les queues de pierre seront enduites. Voici l’heureux élu (pour la partie haute) : un enduit épongé qui fait ressortir la matière du sable de Loire.
C’est d’ailleurs le traitement qu’avait conseillé Jean-Pierre Vanouche, regretté conseiller technique auprès de la Fondation du patrimoine, décédé le 1er avril dernier.
La restauration se poursuit donc avec comme cible la fin de l’année. Si de mauvaises surprises
supplémentaires n’apparaissent pas !
Pour commencer, le chantier zinc et plomb n’est pas terminé, car nous avons eu de mauvaises surprises : des réparations de fortune qui nécessiteront un remplacement de la couverture au plomb des lucarnes,
ainsi qu’un chéneau au milieu de la toiture dont la détérioration s’est manifestée à l’intérieur par un plafond auréolé repeint il y a 2 ans…
Sur le lot pierre de taille aussi, 3 fois plus de pierres ont été changées sur le chaînage d’angle qui s’est
avéré plus abimé que prévu. Les pierres épaufrées sont conservées, mais si elles sont fendues il faut alors les changer.
Ainsi, l’enveloppe estimative du chantier s’approche maintenant des 95.000€. La collecte via la
Fondation du Patrimoine, dont l’objectif de 36.200€ est presque atteint à 50%, se poursuit ! Votre
soutien, ainsi que ceux de vos amis qui voudraient nous soutenir aussi, est toujours le bienvenu.